À l’UZ Leuven, une nouvelle formation en communication est en cours de développement pour les infirmières et autres prestataires de soins. Le projet en est encore à ses débuts et bénéficie d’un soutien financier de la Fondation contre le Cancer. Inge Bossuyt est infirmière spécialisée en soins palliatifs à l’UZ Leuven et est impliquée dans le projet. Dans cet article, elle explique pourquoi une nouvelle formation en communication est nécessaire et à quoi ressemblera le projet.
Les patients atteints d’un cancer incurable ont souvent une vision limitée de leur maladie, des options de traitement et des risques qui y sont liés. Les professionnelles de la santé responsables de la communication de ces informations estiment qu’elles n’ont pas acquis suffisamment de compétences en communication pour mener ce type de conversations avec les patients en soins palliatifs. Afin de soutenir les infirmières et autres prestataires de soins, une formation en communication est actuellement en cours de développement à l’UZ Leuven. La formation comprendra une plateforme en ligne sur laquelle les participantes peuvent obtenir des informations et appliquer les connaissances nouvellement acquises de manière interactive. Inge Bossuyt, en tant qu’infirmière spécialisée en soins palliatifs, connaît bien les difficultés auxquelles ses collègues sont confrontées dans leur travail avec des patients atteints d’un cancer incurable.
Quel rôle les infirmières (en oncologie) jouent-elles dans la communication avec les patients atteints de cancer en phase non curative ?
« Elles jouent clairement un rôle essentiel. La communication est en réalité un travail d’équipe, et en oncologie, le travail interdisciplinaire est fréquent. Les infirmières excellent dans la communication et assument ce rôle primordial, ce qui les rend activement impliquées dans les conversations avec le patient. Elles connaissent souvent le patient mieux que le médecin et savent donc ce qui est important pour le patient. Les patients osent souvent vraiment dire ce qu’ils ressentent ou comment ils perçoivent une thérapie à l’infirmière. Ils peuvent être un peu plus réservées envers le médecin, par crainte que ce qu’ils disent ait immédiatement des conséquences sur le traitement. Ainsi, un patient peut hésiter à partager certains effets secondaires d’un traitement avec le médecin, de peur que la dose ne soit réduite ou que le traitement ne soit arrêté. En tant que professionnelles de la santé, il est important de simplement écouter le patient à ce moment-là et de sonder cette peur. C’est ainsi que l’on découvre ce que les patients veulent réellement et comment ils perçoivent leurs soins. »
Quels obstacles les infirmières rencontrent-elles dans la communication avec les patients en soins palliatifs ?
« Il existe de nombreux obstacles, qui peuvent résider tant chez le patient que dans l’organisation des soins, notre culture et l’infirmière elle-même. Parfois, les patients sont très jeunes ou ont une culture différente qui influence leur perception des soins. Chez certains patients, la communication peut être compliquée parce que les parents ou les proches indiquent que certains sujets ne doivent pas être abordés. De plus, les patiente et leurs proches peuvent parfois avoir des attentes irréalistes, ce qui complique également la communication. La façon dont les soins sont organisés peut également poser des obstacles. Il n’est pas toujours possible pour l’infirmière d’être présente lors des entretiens entre le médecin et le patient, soit en raison d’un manque de temps, soit parce que le médecin ne demande pas à l’infirmière de l’accompagner. Enfin, des obstacles peuvent également surgir chez l’infirmière elle-même. En particulier dans le service d’oncologie, le travail peut parfois être vraiment difficile. Il arrive que les infirmières hésitent à engager la conversation parce qu’elles n’ont pas la place (à la fois en termes de temps et d’espace intérieur) pour gérer les émotions du patient ou de ses proches. De plus, certaines personnes ont parfois vécu une expérience personnelle qui rend difficile d’aborder un certain sujet. Certaines infirmières ont du mal à gérer les émotions qui surgissent chez le patient. La formation des infirmières accorde désormais plus d’attention à la communication avec le patient. La mise en pratique de la théorie s’avère parfois encore difficile pour les infirmières. Lorsque l’équipe partage la vision selon laquelle la communication est importante et qu’elle doit être accordée du temps, cela aide à instaurer une culture de communication ouverte au sein du service. La plupart des infirmières voient vraiment une valeur ajoutée dans ce type de communication. Finalement, c’est en dialoguant avec le patient qu’on apprend le mieux. Votre patient est votre meilleur enseignant. »
Quel effet ces obstacles ont-ils finalement sur les patients ?
« Nous voulons harmoniser autant que possible les soins que nous prodiguons avec le souhait des patients et de ses proches. Si nous ne communiquons pas correctement, nos soins sont moins adaptés et de moins bonne qualité. L’absence de conversation ouverte avec le patiente diminue la qualité des soins prodigués alors que justement , le besoin de soins adaptés ne cesse d’augmenter. Autrefois, les options thérapeutiques étaient rares, et il n’y avait donc pas grand-chose à harmoniser. Maintenant, il y a tellement de possibilités, mais toutes les patientes ne sont pas prêtes à aller aussi loin dans le traitement. Certains patients privilégient le faite de rester chez eux et aussi préserver la qualité de vie plutôt que de gagner du temps supplémentaire. D’autres patients accordent plus d’importance au jours supplémentaires gagnés car ils ont de jeunes enfants. Ces patients souhaiteront aller beaucoup plus loin dans le traitement. Ces discussions doivent être ouvertes avec le patient afin de savoir ce qui est important pour lui. Si nous n’avons pas cette conversation, nous perdons en réalité la possibilité de cette harmonisation et de soins de qualité. »
Vous êtes impliquée dans un projet de l’UZ Leuven visant à développer une formation en communication pour les professionnelles de la santé en oncologie palliative. Quel est l’objectif du projet ?
« L’amélioration des soins aux patients en offrant des soins plus personnalisés, adaptés aux souhaits et aux valeurs du patient, est au cœur de notre démarche. Nous sommes convaincus que la communication joue un rôle crucial à cet égard. Il existe différentes façons d’améliorer cette communication. C’est pourquoi nous pensons qu’il est également bénéfique que les individus puissent s’exercer à partir d’un module interactif en ligne. Nous souhaitons proposer une formation sous la forme d’une plateforme évolutive composée de plusieurs modules théoriques et d’un jeu interactif. Ensuite, les participants pourront appliquer ces connaissances dans la pratique. »
Comment sera organisée la formation ?
« Les modules d’apprentissage seront théoriques, mais de manière interactive. Dans le jeu interactif, vous pourrez mettre en pratique vos compétences de manière sûre et ludique. En raison de la pression temporelle intégrée, vous devrez faire des choix intuitifs. Ces choix détermineront comment l’histoire évolue dans le jeu. Au total, environ 45 minutes d’apprentissage seront prévues. À l’heure actuelle, une enquête a été lancée à l’UZ Leuven auprès de plus de 5 000 employés. Ils ont été interrogés sur les obstacles auxquels ils sont confrontés, leurs besoins et ce qu’ils considèrent comme utile. Sur la base de ces résultats, la formation sera élaborée. Initialement, la formation sera destinée uniquement aux employés de l’UZ Leuven, mais l’objectif est d’étendre sa disponibilité par la suite. La formation sera accessible à tous les professionnels de la santé, donc en plus des infirmières, des travailleurs sociaux et des médecins pourront également suivre la formation. Étant donné que la communication est interdisciplinaire et ne dépend pas uniquement de l’infirmières et du médecin, nous voulons offrir à de nombreuses personnes la possibilité de suivre la formation. »
Comment la formation peut-elle améliorer les soins aux patients ?
“En engageant une conversation avec le patient sur ce qu’il/elle considère comme important, nous pouvons mieux adapter nos soins. La planification précoce des soins et les discussions opportunes avec le patient sont encore trop rares. Nous avons souvent tendance à attendre que des problèmes surviennent. Dans les situations de crise, des décisions sont alors prises qui vont parfois à l’encontre de ce que signifie des soins de qualité pour le patient, car nous n’en avons jamais discuté. En fin de compte, notre objectif est de fournir des soins centrés sur la personne : des soins adaptés à la personne devenue patient.”
L’élaboration de cette formation en communication s’inscrit dans le cadre du projet de thèse du Dr. Kathleen Forceville, spécialiste en oncologie et médecine palliative, et est actuellement au stade initial.